Le rôle majeur du voyage dans l’éducation des élites est illustré par exemple par l’assemblée générale du 30 mai 1877 de la Société des voyages d'études autour du monde : « M. Biard a eu la pensée de former une Société dont le but serait de réunir chaque année un certain nombre de jeunes gens et d'hommes désireux de voir le monde et de leur faire faire un voyage de circumnavigation dans des conditions particulièrement favorables à leur instruction. Il considérait cette institution de voyages intelligemment accomplis comme destinée à apporter un complément très-utile à une bonne éducation classique, et en même temps à rendre service au pays, en appelant davantage l'attention sur des contrées lointaines trop peu connues parmi nous. »
Mais le voyage reste bien souvent conséquence de l’expédition militaire. C’est le cas d’Émile Maison, auteur du Journal d'un volontaire de Garibaldi qui témoigne de l’émerveillement que peut ressentir le voyageur en Italie : « Depuis quatre jours, je suis à Gênes ; je visite ses églises, ses palais, ses villas, ses jardins, ses promenades, et je reste ébloui devant tant de grandeur et tant de magnificence. » En quittant la ville, Maison confie : « Je jette un dernier regard sur Gênes, et j'admire encore une fois son aspect véritablement féerique. »
À Palerme, c’est le spectacle des paysages de l’île qui éblouit le voyageur, toutefois vite rattrapé par les réalités matérielles de la guerre : « De tous côtés, le spectacle de la mer, des montagnes et des collines, offre de pittoresques et délicieux points de vue. A midi, nous débarquons, et je me hâte de parcourir la ville. Les rues et les maisons en ruine de Palerme présentent un aspect navrant, qui dépasse mon attente. Tout indique encore, comme au premier jour, la trace du bombardement… »
Le voyage en terre lointaine, notamment dans le contexte colonial, devient de plus en plus fréquent au XIXe siècle. Les Aventures de nos explorateurs à travers le monde mettent le lecteur en garde quant aux risques qu’il encourt : « Les dangers qu’ont à courir les explorateurs dans les contrées étrangères sont de natures presque infiniment variées : les plus terribles ne sont pas toujours la flèche ou la zagaie de l’indigène, l’ennemi qui guette la nuit le passage ou le gîte du voyageur, la bête fauve embusquée dans les jungles, qui attend le moment propice pour se précipiter sur sa proie et la dévorer. A côté de ces périls incessants il en est d’autres non moins redoutables, les maladies épidémiques qui sévissent dans certaines contrées et qui semblent s’allier aux indigènes pour interdire l’accès du sol aux Européens qui veulent y pénétrer. »
Plus poétique, le Journal d'un commandant de « la Comète », bateau partant de Marseille pour l’Extrême-Orient en 1892, transmet le rêve d’évasion en décrivant les charmes des paysages lointains : « 26 octobre. — Nous entrons à Singapore à travers un dédale d'archipels, de rochers roses couverts d'arbres fleuris. A mesure que nous approchons, ces îlots se peuplent de jolies maisons entourées de vérandas ombragées de banians. [...] On rencontre à chaque pas des pagodes, de longues files de boutiques ornées de lanternes et d'enseignes aux lettres étranges, des maisons émaillées de fleurs de faïence, un peuple de portefaix portant leur fardeau sur l'épaule balancé aux deux extrémités d'un bambou. C'est la ville chinoise avec son odeur spéciale d'égout, de poisson grillé, d'opium et de musc... »
Ainsi, au XIXe siècle, éducation par la découverte de l’inconnu et de l’altérité, aventure guerrière ou colonialiste ou encore simple agrément, auxquels s’ajoutent évidemment les migrations massives, s’entremêlent en ce siècle où le voyage concerne un nombre beaucoup plus élevé qu’auparavant de personnes.