Car Delvau est un bohème noctambule : « Il y a des villes qui dorment, comme d’honnêtes bourgeoises, pendant tout le temps consacré au sommeil, – c’est-à-dire pendant la nuit. [...] Mais Paris, qui n’est pas une ville comme une autre, et qui s’en enorgueillit parce qu’il y a de quoi, Paris ne dort jamais – que d’un œil. Quand la moitié de ses habitants est plongée dans ce qu’il est de tradition d’appeler “les bras de Morphée”, l’autre moitié s’agite, en proie à une activité que ne peuvent soupçonner les braves gens enfouis sous de chaudes couvertures, derrière d’épais rideaux, depuis dix heures du soir jusqu’à huit heures du matin. »
Ce livre est d’ailleurs dédié à son « cher vieux compagnon de noctambulisme » Alexandre Privat d’Anglemont, décédé six ans plus tôt. Ce dernier reste connu comme étant l’auteur du fameux Paris anecdote publié en 1854, mine d’informations témoignant par exemple de la pauvreté extrême de l’ancien 12e arrondissement, correspondant à l’actuel 5e et une partie du 13e arrondissement : « Dans nos excursions à travers le douzième arrondissement, nous avons vu des choses si surprenantes, que nous n'avons pu résister au désir de les livrer à la curiosité des lecteurs. Ils verront que bien des gens entreprennent de longs voyages, des courses périlleuses, pour trouver des choses extraordinaires, lorsqu'à leur porte, à une course d'omnibus de leur foyer, le nouveau, le bizarre, l'extraordinaire, se rencontrent à chaque pas. »
Loin de ce Paris des bas-fonds de la capitale au XIXe siècle que nous avons déjà évoqué, Le « guide pratique et illustré » des Plaisirs de Paris écrit par Alfred Delvau en 1867 – année d’exposition universelle – dépeint tour à tour les promenades, cafés, restaurants, théâtres, concerts, bals, et même cercles et clubs, courses de chevaux et sport nautique, livres et journaux et termine sur les « dames », présentées comme aussi fourbes que charmantes : « Ce sujet, je ne me le dissimule pas, doit être difficile à aborder, et forcément, quelle que soit l’audace que puisse me donner le titre de ce petit livre profane, je n’en serai pas moins forcé, par la nature même des choses, à laisser bien des détails dans l’ombre et à ne pas lever certains coins du rideau de gaze derrière lequel se cachent, avec l’espoir d’être vues, les charmantes pécheresses dont il me faut m’occuper. »
La Ménagerie parisienne de Gustave Doré est un beau-livre donnant à voir vingt-quatre caricatures de cette vie parisienne du milieu du XIXe siècle, métaphoriquement animalisée – de la fameuse jeunesse dorée des lions et lionnes, aux propriétaires vautours et courtisanes panthères. Dans cette filiation, le dessinateur belge Mars propose en trente-deux scènes dans Paris brillant son regard amusé sur la vie élégante parisienne de la Belle Époque, période d’apogée du Paris élégant et nocturne.